mercredi 15 août 2018

Mais qui est donc Déodat ?



C'est à Bourges que Déodat Dieudonné (par abréviation : Dié) naquit, vers le milieu du Ve siè­cle. Il y fut élevé et lorsque, adolescent, il décida de sa vocation religieuse, il s'en fut trouver le fondateur du monastère de Chabris-sur-Cher. C'est là qu'il fit la connaissance d'un diacre du nom de Baudemir ou Baumaire. S'étant liés d'amitié, peut-être offensés dans leur esprit d'indépendance par la rude discipline monastique, ou bien également épris d'isolement et de silence, ces religieux décidèrent, une belle nuit, de quitter leur couvent. Baumaire avait appris à Déodat qu'il y avait sur les bords de la Loire, en pays Blésois, un lieu pouvant convenir au genre de vie qu'ils voulaient mener.
Comme toute cette foule d'ermites qui, avant et après cette époque, s'installèrent de leur chef jusque dans les moindres recoins de la Gaule païenne et y fondèrent les localités qui portent encore leur nom, ils partirent vers leur destin. N'em­portant que leur cilice, leur coule, leur manteau et un bâton, ils parcoururent, dit la légende, tout le trajet en cette même nuit soit treize lieues (60.000 pas, est-il écrit).
Arrivés sur les bords de la Loire, les compagnons se séparè­rent. Baumaire s'isola, paraît-il, dans une des îles de la Loire face au bourg de Saint-Dyé peut-être même dans celle appelée depuis l'île de Saint-Dyé.
Déodat bâtit sa cabane dans le voisinage du hameau de l'Ecuelle, lieu d'épines et de broussailles. En effet, le coteau sur lequel fut construite la ville de Saint-Dyé était à cette époque, couvert par le prolongement de la forêt de Boulogne. Ce que nous désignons aujourd'hui sous le nom de l'écuelle était en lisière, mais encombré de ronces.
L’arrivée de cet ermite pour prêcher la bonne parole avait quelque chose d’un peu avant-gardiste en pleine période païenne.
Il y avait, entre autres croyances remon­tant jusqu'à l'âge néolithique, ce culte des eaux, des arbres et des pierres, de toutes les forces mystérieuses de la nature qui semblaient témoigner de la présence d'une divinité. Les paysans d'alors, qui ne demandaient qu'à rester païens (si bien que le mot « paganus » qui les désignaient, signifiait à la fois païen et paysan), croyaient obtenir de ces forces, la guérison de leurs maladies et la fécondité de leurs champs.
Le pa­ganisme, appuyé par l'influence des prêtres païens qui desservaient le temple d'Appolon de Suèvres situé en face sur l'autre rive de la Loire, résistait encore opiniâtrement au christianisme naissant.
Le culte des sources notamment, fut une des religions de la Gaule entière et, pour les populations, l'eau avait toujours un caractère sacré. Selon la volonté des évêques gallo-ro­mains, il fallait que les sanctuaires voués aux faux dieux soient consacrés au culte véritable, pour que les païens convertis l'adorent dans les lieux mêmes où ils avaient l'habitude de venir.

Ce fut la grotte où se pratiquait ce culte des eaux qui devint le refuge de Déodat où, ermite, il mena une vie spirituelle dans la solitude et le recueillement. Il prit possession de cette source païenne, au profit de l'église chré­tienne. La légende du Dragon qui, dit-on, hantait cette grotte et que l'ermite terrassa, n'est que le symbole de l'idolâtrie vaincu par la prière, le triomphe du christianisme.
Déodat n'était que diacre. Il ne voulut jamais être élevé à la dignité de la prêtrise.

Clovis engagé auprès de Déodat à se faire chrétien, si comme l'ermite le lui avait promis il remportait la victoire, chasser les Bretons qui ravageaient le Val entre Orléans et Tours. Clovis voulut prouver sa reconnaissance à Déodat, en lui concédant le vaste territoire qui environnait sa caverne plus 26 livres d'or et autant d'argent, ce qui ferait aujourd'hui, au poids de l'or et de l'argent, une coquette fortune.
Ceci aida bien les choses, car Déodat ayant réussi à grouper autour de lui une quarantaine de disciples, avec l'argent de la donation, put, non seulement venir en aide aux pauvres qui ne manquaient pas, mais construire un modeste couvent auprès de la grotte où il vivait, dans la méditation et la prière.

A son décès à un âge avancé vers 530, ses disciples l'ensevelirent dans la grotte il avait vécu, proche de l’église actuelle. La chapelle édifiée au-dessus de sa sépulture, détruite par les Normands puis reconstruite, devint un lieu de pèlerinage.
L'ancien compagnon de Dié s'était retiré dans une des îles de la Loire peut-être même dans celle appelée depuis l'île de Saint-Dyé. Il y était mort, et son corps dut y reposer jusqu'à son trans­fert dans l'église de Saint-Dyé, probablement au IXe siècle.

On sait qu'en Gaule, la dépouille des saints était souvent enfouie sous terre. Beaucoup plus tard, lors­qu'une église avait pu être construite à proximité, le sarco­phage exhumé fut transporté dans un hypogée maçonné, tombe creusée dans le sol avec chambre funéraire voûtée, mais qui n'apparaissait pas au-dessus du niveau du sanctuaire.
Ce n’est qu’en 1963 qu’on trouva son sarcophage en grès rose d’Anjou sous le dallage de l’église lors de fouilles archéologiques dont le but n’était pas celui-ci. Il était complètement enfoui, on l’a dégagé et aujourd’hui il est désormais visible dans l’église sous un plancher de verre.